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Pensée du moment

"Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde".
Mohandas Karamchand Gandhi
25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 23:42
D’abord, il y a un grand portail noir, qui doit peser la demi tonne. Lourd et réticent à l’ouverture, autant qu’à la fermeture, et sonore dans le moindre de ses mouvements. Tu peux pousser fort, sans avoir peur de vaciller sous le coup d’un effort à fournir plus maigre que son apparence ne le suggère. Ce n’est pas une porte en carton.

Passé ce grand portail, il y a un long chemin, dans le sable et les dunes, comme sur les plages de Bretagne, de Vendée, du sable fin et blanc crème, des dunes qui semblent absorber la puissance du moindre de tes pas, des monts liquides affamés du moindre résidu de l’énergie que tu avais mis de côté pour les gravir. Quelques végétaux sont vivants ça et là, sans qu’on sache trop ce dont ils se nourrissent tant le ciel est avare dans ces contrées. Les nuages passent mais ne versent pas, pour une raison que je me suis résolu à accepter sans explication. Ce n’est pas comme si tu étais en Bretagne.

Au bout du chemin, quelque part vers la plage, il faudra prendre une barque, car tu te retrouveras dans une crique bordée de rochers de toutes parts. Rien de bien difficile, sauf qu’il faut ramer fort, car sur cette plage, tu seras constamment contre les courants. Des courants dignes des baïnes des Landes qui emportent touristes allemands et hollandais au loin, avec peu d’espoir d’échapper au Zodiac des sauveteurs si ils veulent finir en vie.

Mais si tu es déterminée, si tu es convaincue de trouver à destination de ton voyage ce que tu recherches, tu vaincras ces courants. D’autres l’ont fait et réussi, quoi que les courants fussent plus cléments en leurs temps respectifs.

Puis arrivée sur cette autre plage, tu discerneras une grotte, découverte à marrée basse, et si tu t’engouffres dedans entre 2 vagues, il te faudra encore trouver ton chemin dans ce labyrinthe de stalactites calcaires et de tunnels qui répliquent le son de tes pas comme un kaléidoscope sonore déroutant. Il te faudra surveiller la marée qui risquerait de rattraper ton entreprise un peu folle : la grotte est située sous le niveau de la plus basse des marées hautes de l’année.

Arrivée à mi chemin, tu reprendras une barque sur le rivage d’un lac souterrain, situé au dessus du niveau de la mer et dont la surface de cristal est si peu troublée par le vent qui n’y existe pas qu’elle réplique à l’identique le plafond néogothique de cette cathédrale naturelle. Le spectacle est magnifique, dit-on, mais le lac est immense -il a la taille d’un pays comme la France d’après les rares explorateurs qui ont réussi à en atteindre le bout.

Mais le bout ne t’intéresse pas, ce qui t’intéresse réside dans une zone centrale qui est assez difficile à localiser, mais qui est visible à certaines bonne âmes par une magie qui m’est tout à fait incompréhensible.

Au centre, donc, se trouve une île, minuscule, mais qui te laissera tout de même accoster et tirer ta barque –ne la laisse pas filer, c’est ton seul espoir de t’en tirer si les choses tournent mal.

Les îles, un peu partout, cachent toutes sortent de rêves et de légendes, nourrissent l’imaginaire de civilisations entières. Certains y cachent le Roi Arthur en compagnie du Saint Graal, d’autres y déposent carrément des mondes entiers comme l’Atlantide, d’autres encore y établissent le fantasme de leurs idoles ressuscités, ou encore ayant mis en scène leur propre disparition qui couleraient d’heureux jours à l’abri du tumulte du monde moderne.

Mon île n’est rien de tout ça, ou si peu. Au fond de la terre, près du magma, dans le noir et les roches volcaniques, mon île est un simple amas de sédiments -un Ayers Rock miniature dont seul le sommet affleure. Pas de cocotiers, pas de civilisation merveilleuse perdue, pas de colonnes grecques, pas d’arènes désormais sous-marines ayant servie de siège à d’imaginaires combats de taureaux antiques commentés par Platon plusieurs siècles après. Pas de monde englouti.

Ou presque. A défaut d’englouti, il est là, caché des yeux du monde, timide, protégé des photons qui l’abîment de rebondir dessus.

Il s’est rétracté, il a fondu, il a jadis porté ses espoirs, puis la vie, le temps et les grumeaux du destin l’ont réduit à la portion vitale, le noyau indispensable à tout être humain qui entend en garder le qualificatif.

Sur cette île, il y a un bunker, de style allemand 39-45, avec des murs de béton qui ont poussé tout seuls pour y protéger un coffre. Un coffre fort, qu’on s’entende, tu n’as tout de même pas fait tout ce chemin pour tomber sur une malle de pirate comme dans les histoires pour enfants, ou encore une charade récitée par un chevalier grisonnant à l’armure couinante qui t’attend depuis des siècles, restons sérieux. Ce coffre, la combinaison existe, n’est pas trouvable par quelqu’un qui ne cherche pas la profondeur des sentiments, ni par quelqu’un qui entend se reposer des aléas de la vie, ou encore qui cherche les choses bien comme il faut en ayant fait un tableau comparatif des options les plus habiles pour réussir. Ce bunker n’est pas là par hasard. Cette île, comprend le bien, a été le lieu de combats héroïques, le champ de batailles plus meurtrières que Verdun, le siège de violences dont on n’a pas idée. Elle a vécu le brasier de l’arme atomique, ou tout comme.

Quand tu ouvriras le coffre, si tu le peux, il y aura quelques résidus carbonisés du passé. Des je t’aimes hypocrites, des étreintes passionnées convaincues du contraire, puis aussi, des authentiques n’ayant pas résisté au souffle du temps, à l’usure de l’âge, des utopies ternies par l’oxydation, des fantasmes aux couleurs jaunies comme des photos des années 70. Des rêves de film hollywoodien, quelques sentiments sincères fossilisés, tellement enracinés dans mon être que plusieurs années après je n’arrive toujours pas à les éliminer. Il y a des ruptures, des pertes, des envies d’en finir, tout ça sous une épaisse couche de poussière, signe qu’on n’y a pas touché depuis bien longtemps, même si on en distingue toujours les titres.

Puis sur une autre étagère, il y a un minuscule sachet en papier. Il n’y a rien d’écrit dessus, pas même une mention au crayon à papier léger comme on pourrait s’y attendre. Dans ce sachet, il y a juste quelques graines, plus beaucoup j’en ai bien peur. Si tu prends une de ces graines et que tu l’arroses, que tu donnes tout ce que tu peux d’attention et de chaleur, de lumière, d’amour et que tu y croies du fond du cœur, elle donnera une plante hésitante au début, frêle, pâle, fragile, puis plus forte, plus vraie, qui puisera profond son eau, qui ira haut chercher sa lumière, son énergie, pour en donner à son tour. Cette plante, un jour, fera partie de moi, puis de nous, autant que le sang qui coule dans nos veines, autant que les idées qui nous animent. Elle devra résister aux tempêtes, à l’hiver, à la sécheresse, aux manques d’attention, aux questionnements, aux errements passagers. Jusqu’ici, ce n’est jamais arrivé…mais peut-être un jour, elle deviendra un arbre, un grand arbre fort aux branches torturées, qui inspire le respect. Et qui sait ? peut-être encore, gagnée par la confiance, enseulée par le temps, enivrée de la beauté du son des grains du temps qui coulent sur son feuillage, aimant la vie, tout simplement, grâce à toi, elle voudra enfin s’entourer d’une forêt tout entière, la plus belle et grande forêt, qui deviendra, finalement, le centre de mon petit monde intérieur.

Taliesin


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